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REFORME TERRITORIALE : FIN D'EXAMEN HOULEUSE A L'ASSEMBLEE NATIONALE

Les députés ont achevé cette nuit l'examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales dans un climat extrêmement tendu, ponctué par plusieurs incidents de séance. 
En effet, durant de nombreuses heures, le gouvernement a du faire face aux différentes critiques de l'opposition auxquelles se sont ajoutées celles de certains élus de sa majorité, bien conscients des dangers de ce texte pour la démocratie locale et le maintien des services publics locaux.

Les discussions autour de la question de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités ont donné lieu à de très vifs échanges, notamment autour de l'article 35 qui prévoyait initialement la suppression de la clause de compétence générale. 

Sous la pression des différents groupes, le gouvernement a donc été contraint de revoir sa copie. Des amendements sauvegardant la possibilité de mettre en œuvre des financements croisés dans des domaines comme la culture, le sport ou le tourisme ont ainsi été adoptés.

Le vote solennel sur l'ensemble du texte a été fixé au 8 juin prochain. Il devrait donc être inscrit à l'ordre du jour du Sénat avant la fin du mois pour une seconde lecture.

Vous trouverez ci-dessous, l'intervention de Bernard DEROSIER (Président du Conseil général du Nord) à propos de l'article 35 (l'intégralité du compte-rendu est disponible sur le site de l'Assemblée nationale) :

"Le débat devient très intéressant, alors que nous abordons l’article 35, et surtout le titre IV du projet initial - qui ne comptait qu’un seul article - intitulé « Clarification des compétences des collectivités territoriales ». Ah ! si le Gouvernement, envisageant une nouvelle étape de la décentralisation, avait déposé sur le bureau du Parlement un projet de loi de clarification des compétences, je pense que nous aurions pu nous retrouver, gauche et droite, majorité et opposition.

Mais ce texte aurait dû être le résultat d’une large concertation, comme le Gouvernement est capable d’en mener sur d’autres sujets. Las, cela n’a pas été le cas. Cet article, dans sa rédaction initiale, nous renvoyait aux calendes cantaliennes, pour faire référence aux origines de M. Marleix , lequel promettait, dans un délai d’un an, un texte visant à clarifier les compétences.

Selon l’adage que chacun connaît, quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Depuis des semaines, voire des mois, le Gouvernement et quelques porte-parole de la majorité, le Président de la République en tête, nous disent : « Les Français ne s’y retrouvent plus. C’est compliqué. Il faut simplifier et clarifier. »

C’est compliqué pour ceux qui veulent dire que notre système est complexe. Mais chacun sait, monsieur Sauvadet, lorsqu’il emprunte une route départementale, qu’elle est gérée par le conseil général du département. Tous les parents d’élèves, selon que leur enfant va dans un collège ou un lycée, savent quelle est la collectivité de rattachement. Toutes les personnes âgées savent que le département et le conseil général ont un rôle important. Bref, pour tous ces grands blocs de compétences qui découlent de la loi de 1982 et des lois qui ont suivi, les choses sont très claires. Il fallait peut-être préciser les choses dans certains domaines, mais j’estime faux de dire que l’on ne s’y retrouve pas.

Depuis le début de l’examen de ce texte, mes chers collègues, vous ne cessez d’improviser. Vous l’avez fait à propos des conseillers territoriaux, lorsqu’il s’est agi de définir le mode de scrutin, vous avez improvisé également sur le nombre de ces futurs conseillers, en essayant subrepticement de renvoyer à une ordonnance. Vous l’avez encore fait à l’instant, en demandant une suspension de séance pour tenter je ne sais trop quoi. Mais nous aurons sans doute une explication plus tard.

J’ai écouté tous les intervenants, dont M. Vandewalle, M. Descoeur. Ce dernier, fort de son expérience de président de conseil général, connaît bien l’importance de la clause générale de compétence qui permet aux collectivités territoriales d’être des acteurs importants de l’aménagement du territoire. Or nous sommes dans un pays qui a toujours eu du mal à définir une politique d’aménagement du territoire et, surtout, dont les gouvernements ont toujours hésité à laisser les collectivités territoriales en être les acteurs.

Néanmoins, la conjugaison de la décentralisation, qui a donné des responsabilités aux élus locaux, lesquels ont fait des collectivités territoriales des acteurs importants de l’action publique, cette conjugaison de la décentralisation avec ce que l’on appelle la clause générale de compétence, aura permis, au cours des vingt-huit années écoulées depuis la loi de 1982, un partenariat de grande qualité entre les régions, les départements et les communes.

L’État, d’ailleurs, ne s’est pas privé, quels que soient les gouvernements, de profiter des possibilités offertes par cette situation. Il en a été ainsi lorsque le gouvernement Rocard a proposé les contrats de plan État-région avec les départements comme partenaires et les collectivités locales. L’État ne s’en est pas non plus privé lorsqu’il a sollicité les collectivités territoriales pour accompagner, voire financer complètement les voiries – hier nationales, aujourd’hui transférées – les voies navigables, les universités, les hôpitaux publics, sans parler des crédits de fonctionnement pour lesquels les collectivités sont sollicitées lorsqu’il s’agit d’emplois aidés, par exemple, ou de participation à l’entretien des forêts domaniales.

Malgré cela, vous avez imaginé, dans votre projet de loi initial, cet article 35 qui renvoyait à plus tard la définition des compétences, en employant le mot « précisera », au futur. Le Sénat s’est montré un peu plus précis en revenant au présent, avec le mot « précise ». L’alinéa 5 du texte qui nous est venu du Sénat apportait une ébauche d’intervention possible pour les collectivités territoriales, notamment les départements et les régions.

Notre rapporteur, M. Perben, par une nouvelle rédaction de l’article 35, a fait une petite avancée, en rétablissant d’une certaine façon une partie de la clause générale de compétence.

Mais pourquoi en être arrivé là, monsieur le secrétaire d’État ? Pourquoi une telle volonté de supprimer cette capacité d’initiative ? Est-ce pour maîtriser les dépenses publiques ? Si tel était le cas, vous n’aviez pas besoin de supprimer la clause générale de compétence. La politique de dotation que vous menez en direction des collectivités depuis sept ou huit ans suffit à étrangler complètement les régions, les départements et les communes. Ce dispositif est donc inutile ! Il ne s’agit pas, comme le disait tout à l’heure M. Piron, de tout demander à l’État. Nous voudrions simplement avoir une capacité fiscale, laquelle nous est aujourd’hui quasiment interdite.

Enfin, n’oubliez pas que ces mêmes collectivités contribuent à hauteur de 75 % aux investissements publics et que, de ce fait, il y a un très grand risque de diminution des activités économiques. Alors, pourquoi une telle proposition ? Au moment où nous allons examiner cette question au travers de l’article 35, je vous en conjure, monsieur le secrétaire d’État, dites-nous vos motivations !"